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par Raff de HGuitare

Un "Drones" télécommandé par Muse.

Depuis maintenant 20 ans, le trio du Devon grimpe, grandi, gagne en maturité. Les débuts avec un Matthew Bellamy chétif aux cheveux rouge piquant le ciel, un Dominique Howard au jeu rachitique et un Christopher Wolstenholme se dissimulant sous sa touffe est bien loin. Aujourd’hui, Muse pose son influence sur la musique actuelle et, qu’on apprécie ou pas le groupe, ils sont tout simplement devenus incontournables.


Qu’elle est loin la période de Origin of Symetry, des B-Sides acharnée à la Dead Star, Ashamed, Futurism, ou encore, dans un autre registre, Nishe… Il semblerait en effet que depuis deux albums (Resistance et The Second Law), le but est de rechercher d’avantage de corde à leur arc et ainsi automatiquement attirer un public plus large. C’est vrai que maintenant, il s’agit avant tout de remplir des stades, non ?
Ou alors, pris d’un aspect différent, on pourrait simplement dire que Muse a définitivement trouvé son cocktail musical. Un petite dose de riff assez gras-mais-pas-trop, prenant de l’envergure avec le doublement de la basse de Chris. Une double dose de maturité et un soupçon de nuances apportées pour éclaircir (popifier) les arrangements. Ils n’ont plus 20 ans, après tout, non (bis) ?


N’oublions tout de même pas qu’à l’origine, Muse est un groupe Prog.
Alors, autant l’effort de Matt et consorts était quelque peu, pour ne pas dire complètement, manqué sur The 2nd Law, autant après plusieurs écoutes, il semble comme objectivement avéré que Drones est un album d’une cohérence évidente. Ce, pour plus d’une raison.


L’album, comme une histoire moderne.

Certains voient la création d’un album comme une sorte de « best of » de ce qui peut ressortir en studio. Très souvent influencé par laps de temps du recording, ce « type » de compositions peut rapidement être maladroit, car sans fil conducteur.
Avec Drones, Muse ne nous propose pas simplement des chansons, des compositions musicales, mais également une histoire, comme un roman chanté. Le thème y est dur et résolument sombre. Il suffit de regarder l’artwork de l’album pour s’imaginer que les faits abordés ne seront pas les soirées d’été sur la plage, autour d’un feu, avec des amis, à griller des cervelas.


Le récit est celui d’un homme lobotomisé en « human drone » par des forces supérieures. Une machine à tuer, sans remords ni questionnement. (Psycho)
Par la suite,  il demande de l’aide, de pouvoir sortir de ce carcan qui l’entoure et le dirige sans savoir comment y parvenir. On sent toute cette détresse dans Mercy, puis son dégoût et début de révolte dans Reapers : « You kill by remote control and the world is on your side ». Révolte qui se poursuit dans The Handler « I won’t let you control anymore ». Phrasé qui est, par ailleurs, une question-réponse directe à la chanson Showbiz de l’album du même nom où Matt chantait : « Controlling my feelings for too long ».
La suite et la fin, c’est tout le processus du surpassement du système de la part de notre héros, alors programmé. Et quoi de mieux qu’un discours de JFK pour lancer cette marche en avant ? (A l’époque, ce discours était pour pointer du doigt la montée du communisme, notamment).
Defector, aux chœurs très « Queenesque », démontre bien ce passage vers la lumière et l’espoir : « Free, yeah I’m free, from your inciting. You can't brainwash me. You've got a problem ».


Que de pérégrinations pour notre protagoniste puisqu’il en va même à retrouver l’amour dans Aftermath, qui est le parfait opposé de la première chanson de l’album, Dead Inside et qui est très proche au niveau des paroles à Soaked. Ah, l’amour. Si pratique pour imager le regain d’espoir et de bonheur dans ce monde de brute.
The Globalist est, en format dix minutes, le même concept que l’album entier, avec des phases heureuses et d’autres moins. Une sorte de bilan. Cette chanson est la suite de Citizen Erazed (paru sur Origin of Symetry). Enfin, on termine en douceur avec Drones, titre éponyme de l’album, et sa prière de bonne fin.
Voilà, l’histoire est là, soutenue par, sans doute, le plus gros travail de parolier de la part de Bellamy.


Oui, mais…

Alors oui, ça paraît clairement travaillé, très cohérent de composition et chaque musique est parfaitement amenée à sa clôture de chapitre. Oui, mais voilà, ça ne suffit pas à faire un album parfait. Le côté honnête et direct de Muse est complètement perdu et se noie justement dans ce travail acharné à l’album concept ultime. On y perd des plumes, c’est certain ; à vouloir aller trop haut dans l’ultra cohérence (paroles, composition intrinsèque, composition globale de l’album, etc.) on en oublie la spontanéité qui se ressent forcément dans la brique finale.


Ici, bien que sombre et révolté à la fois, cet album est clair et d’une propreté toute incohérente aux fondements même de son message. Mélangé pureté et révolte, c’est tout de même passablement incompatible.
C’est là tout le problème d’un album surproduit. Rajouter des subtilités aux arrangements, par-ci, par-là, ce peut être très intéressant. Mais, dépassé une certaine limite, ça n’en devient rien d’autre que des couches en trop, des couches qui gênent.


En conclusion

On a aimé la recherche d’un album pour sa globalité et la cohérence en son ensemble, mais on est déçu par ce maladroit « trop  plat » qui en résulte en définitive. Il y a tout de même de jolis moments dans cette histoire, mais ce n’est que quelques lignes par chapitre, rapidement rattrapé par l’encre qui y aurait un peu trop coulé.

Raffaele Cuccurullo